La crainte de tomber est un fléau pour de très nombreux seniors. L’Institut Genevoise du Maintien à Domicile (IMAD) propose un nouveau traitement de physiothérapie en utilisant le dispositif de rééducation en réalité virtuelle KineQuantum® pour travailler sur la peur de perdre l’équilibre. Découvrez l'article paru à ce sujet dans le journal Suisse Générations.
En 2019, les chutes occupaient le troisième rang des problématiques de santé pour les personnes âgées de plus de 70 ans en Suisse. Elles représentaient également la première cause d’années de vie avec invalidité (10,94%) et la huitième cause de décès (3,6%)*.
Comment lutter contre la peur de tomber ?
À Genève, on mise entre autres sur les nouvelles technologies, avec une thérapie utilisant un casque de réalité virtuelle.
Précisément, cela fait une dizaine d’années que la réalité virtuelle est utilisée pour la rééducation orthopédique (par exemple pour une fracture d’une épaule pour retrouver la mobilité de l’articulation).
« Depuis huit ans, elle est également proposée aux Etats-Unis pour traiter le stress post-traumatique à la suite de violences. Nous utilisons la même technologie pour traiter la peur de chuter », explique Mathilde Mangin, physiothérapeute et ergothérapeute.
Dans le cadre d’un projet pilote, mené par l’Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD), cette spécialiste s’occupe ainsi de quelques locataires d’un immeuble avec encadrement pour personnes âgées (IEPA) des Marbiers, au Petit-Lancy.
Concrètement, l’appareillage est composé d’un logiciel ultra performant muni de 250 exercices de jeu, d’un casque, de manettes pour les mains et de deux capteurs pour les pieds. Pour une séance il faut compter environ 15 minutes. Un temps court, mais très intense pour les patients, car chargé en émotions! Les entraînements proposés varient selon l’intensité recherchée.
Plongé dans une réalité virtuelle, le senior doit fuir des pirates sur une barque au large, descendre une rivière en Amazonie en se penchant pour éviter des branchages, couper des fruits avec un sabre, faire des passes au football dans un cadre urbain… Tout un panel de divertissements ludiques qui visent à faire oublier le contexte de réalité qui mène justement à la peur de chuter. Le casque permet de s’immerger complètement dans un jeu.
Prise en charge
Pour l’instant, cette thérapie n’est proposée que dans le canton de Genève. Générations s’est initié à cette technique très physique et complètement immersive. À différents intervalles, on doit faire des pas en avant ou en arrière, tendre les bras sur le côté, mais encore se baisser pour ramasser des objets au sol.
Actuellement à l’IEPA, une vingtaine de personnes âgées de 68 à 93 ans sont traitées avec la réalité virtuelle. Comptez au minimum neuf séances de physiothérapie pour un traitement complet.
Ces séances peuvent être prescrites par le médecin et sont prises en charge par les assurances au même titre que des séances de physiothérapies traditionnelles. Les bénéfices de cette thérapie sont une amélioration de la confiance en soi face au risque de chute par le renforcement de l’équilibre, de la force musculaire, de la coordination des mouvements.
Surmonter le traumatisme
Pour rappel, la peur de tomber ne découle pas forcément d’une pathologie, elle peut aussi être la suite logique d’un accident. Or, après une chute, « souvent, on ne traite que le traumatisme physique, comme une fracture. Et le traumatisme psychique est laissé au second plan, voire pas du tout investigué », rappelle Loïc Feillens, chargé de mission en physiothérapie à l’IMAD.
Mais quelle que soit l’origine de cette angoisse, elle est « handicapante ». Le fait de craindre constamment de tomber peut conduire à une perte de confiance en soi, à la peur de sortir, et donc à un isolement social.
« Les personnes ont souvent honte d’en parler, donc elles essaient de trouver des excuses pour ne pas aller se balader par exemple. Depuis que ces séances de réalités virtuelles sont proposées aux locataires de l’IEPA, les patients osent davantage se déplacer et en discutent entre eux », ajoute Loïc Feillens.
« Avec la réalité virtuelle, on peut confronter le sentiment de peur de la personne avec ses capacités physiques réelles » commente Mathilde Mangin.
Lors des séances, les patients sont exposés progressivement à leurs angoisses. Chaque exercice est accompagné d’une musique de fond pour l’ambiance. Le physiothérapeute est toujours à côté du patient pour l’épauler, donner des conseils et, surtout, vérifier que tout se passe bien.
Petite spécificité : chaque séance est filmée. De cette façon, le physiothérapeute peut montrer au patient ce qu’il a accompli.
« On valorise la personne en re-visionnant les exercices, précise Loïc Feillens. Cela permet de renforcer l’envie de progresser, tout en notant qu’il y a des améliorations au fil des séances. »
À la fin du traitement, il est recommandé de faire trois fois par semaine des exercices de renforcement musculaire et de continuer à travailler son équilibre.
« Il faut prendre le temps »
Lors de la rencontre avec Générations, en mai dernier, Faty, participait à sa 11e séance virtuelle. Le sourire aux lèvres, cette femme âgée de 68 ans est pourtant revenue de loin. Il y a neuf ans, elle a trébuché devant les marches d’escalier à l’entrée de son immeuble résidentiel.
Un petit accident a priori anodin qui peut potentiellement nous arriver à tous. Et pourtant… Depuis ce jour-là, le quotidien de cette retraitée est rythmé par des recherches médicales pour poser un diagnostic, des dizaines de thérapies peu concluantes et surtout une peur incessante de retomber.
La retraitée n’arrivait plus à se mettre à genoux, marchait difficilement et donc était très limitée dans ses activités diurnes. Elle devait tout le temps demander de l’assistance à ses proches, une situation de dépendance qu’elle ne supportait plus. Elle est arrivée comme nouvelle résidente dans l’IPEA des Marbiers en octobre 2019, dès son ouverture.
Mais depuis six semaines elle a commencé ce traitement de réalité virtuelle sur les conseils de la physiothérapeute Mathilde Mangin. « Je n’ai pas du tout été sceptique par rapport à ce traitement, au contraire comme mes proches me l’ont dit aussi : Cela ne peut me faire que du bien! », raconte la retraitée.
La réalité virtuelle lui a permis de prendre conscience qu’elle n’a aucun problème physique, tout est dans le mental.
Son dernier exploit ? Réussir à décrocher et à remettre ses rideaux dans son salon toute seule. Faty ajoute : « Il faut prendre le temps dans ses actions de tous les jours, se conditionner à se concentrer lors de nos déplacements. »
Vous pouvez consulter l'original de l'article en cliquant ici. Nous remercions particulièrement Mathilde Mangin pour son témoignage et Jessica Vicente, l'autrice de cet article.
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